L’immunité dans toute sa splendeur : comment les interférons éliminent les virus
La Dre Eleanor Fish voit plusieurs ressemblances entre la science et l’art. À la fois immunologue au Réseau universitaire de santé et à l’Université de Toronto, et peintre impressionniste adepte de l’art abstrait (page en anglais seulement), la Dre Fish considère les deux disciplines comme des actes d’audacieuse créativité, de prise de risques et de passion. Cet état d’esprit lui a permis de mettre à profit les interférons, des protéines naturellement présentes dans l’organisme et ayant des propriétés antivirales remarquables.
Le parcours de la Dre Fish a débuté lorsqu’elle a immigré au Canada. À l’époque, la société de biotechnologie Genentech venait de produire les premiers interférons recombinants et d’identifier 14 différents sous-types inconnus jusque là.
La Dre Fish a découvert que ces protéines agissent face à toute menace virale comme premiers répondants de l’organisme : « Qu’il s’agisse d’un simple rhume ou d’une infection plus sérieuse, comme celle causée par le virus Ebola, le SRAS-CoV-2 et d’autres souches virales pandémiques, les interférons passent à l’action en empêchant les virus de pénétrer les cellules et en activant le système immunitaire. »
Toutefois, les interférons ont un défi à surmonter. Les virus ont évolué pour être en mesure de contre-attaquer en produisant des facteurs qui atténuent la réponse vitale des interférons. La stratégie de la Dre Fish est donc de bloquer cette contre-attaque en traitant l’hôte au moyen d’interférons.
Grâce au soutien des Instituts de recherche en santé du Canada, la Dre Fish dédie sa carrière à la recherche de façons de stimuler le système immunitaire au moyen d’interférons recombinants. Ses travaux ont montré que les interférons sont très efficaces (quoique certains types le sont plus que d’autres) pour atténuer et éliminer les infections virales déclarées lors des trois crises sanitaires que nous avons connues ces vingt dernières années.
En 2003, quand l’épidémie de SRAS a frappé Toronto, la Dre Fish a obtenu de Santé Canada une approbation d’urgence pour traiter les patients d’un hôpital local avec un nouvel interféron synthétique. Le traitement a accéléré leur guérison, et les résultats ont mené l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à autoriser un protocole de traitement par interférons.
Lors de l’éclosion du virus Ebola en Afrique de l’Ouest en 2014, la Dre Fish a travaillé en Guinée avec les responsables et les professionnels de la santé locaux pour entreprendre une étude clinique avec des interférons (en anglais seulement) dans laquelle le taux de survie des patients s’est amélioré, alors qu’on observait auparavant un taux de mortalité allant jusqu’à 90 %. « Nous avons transmis aux professionnels de la santé locaux nos protocoles cliniques et procédures de sécurité afin qu’ils puissent suivre un protocole de traitement de manière complètement autonome, laissant ainsi un héritage à l’Afrique de l’Ouest », explique la Dre Fish.
Le traitement par interférons de la chercheuse a également démontré son efficacité lorsque l’OMS a donné à l’éclosion de COVID-19 le statut de pandémie mondiale. L’étude exploratoire qu’elle a menée à l’hôpital Union à Wuhan, en Chine, a révélé que l’inhalation d’interférons en début d’infection accélère la guérison. Elle a ensuite codirigé un essai contrôlé randomisé au Chili. Les résultats ont montré que le traitement par interférons réduit la transmission du virus d’une personne infectée aux personnes non infectées qui habitent avec elle.
Aujourd’hui, l’artiste-immunologue cherche des manières créatives et audacieuses de faire progresser les traitements antiviraux. Notamment, elle a conçu un vaporisateur nasal d’interférons qui protège d’un vaste éventail d’infections virales respiratoires. Elle a également démarré sa propre entreprise de biotechnologie afin de fabriquer ce médicament au Canada.
Passer à l’étape de la commercialisation requiert de gros investissements, alors la Dre Fish espère que les investisseurs saisiront l’occasion de prendre part à cette initiative qui, selon elle, aura des retombées mondiales sur la prévention des éclosions virales et des pandémies :
« Si jamais il y avait une autre éclosion majeure, dit-elle, ce vaporisateur antiviral stopperait net le virus et protégerait les plus vulnérables : les personnes âgées, les jeunes, les personnes immunodéprimées et les premiers répondants. »
En outre, la Dre Fish a été nommée membre de l’Ordre du Canada en 2021 pour ses recherches novatrices sur les interférons et leurs retombées sur la santé mondiale.
En bref
L’enjeu
Les interférons, des protéines naturellement présentes dans l’organisme, agissent à titre de premiers répondants contre toutes les menaces virales. Toutefois, les virus ont évolué de manière à contre-attaquer les interférons et à tout de même pénétrer nos cellules.
La recherche
La Dre Fish a découvert des façons de stimuler le système immunitaire grâce aux interférons recombinants. Le traitement par interférons qu’elle a conçu s’est révélé très efficace pour atténuer, voire éliminer, les infections virales causant le SRAS, la maladie à virus Ebola et la COVID-19.
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