Entretien éclair avec la direction scientifique : Dre Charu Kaushic

Nous nous sommes entretenus aujourd’hui avec la Dre Charu Kaushic, directrice scientifique de l’Institut des maladies infectieuses et immunitaires (IMII) des IRSC, afin d’en savoir plus sur les travaux actuels dans les domaines de l’infectiologie et de l’immunologie.

IRSC : Quelle est la recherche dans votre domaine qui suscite les plus grandes retombées?

Dre Kaushic : L’un de mes domaines favoris – qui fait d’ailleurs l’objet des recherches les plus transformationnelles en ce moment – est celui du microbiome. Celui-ci est constitué de toutes les bactéries qu’abrite notre corps, principalement dans l’intestin, mais aussi dans les poumons et les voies génitales. Nous sommes les hôtes de ces micro-organismes, et ceux-ci ont une incidence sur de nombreux aspects de la santé, depuis la digestion jusqu’aux réactions inflammatoires.

Les recherches montrent que l’alimentation, le niveau d’activité physique, les médicaments et la qualité du sommeil sont tous des facteurs qui influent sur le microbiome. Un mode de vie sain favorise un métabolisme en santé et la croissance de bactéries utiles. À l’inverse, une alimentation et un mode de vie de moindre qualité peuvent nuire au microbiome et exposer le corps à des affections inflammatoires comme les maladies cardiaques, l’arthrite et même la démence.

D’importants travaux de recherche révèlent également que les femmes dépourvues d’un microbiome vaginal sain courent un risque accru d’infections transmissibles sexuellement (comme le virus du papillome humain [VPH] et le VIH) et d’issues défavorables de la grossesse.

IRSC : Impressionnant! Alors comment pouvons-nous savoir si nous avons un microbiome sain?

Dre Kaushic : Bien qu’il s’agisse d’une science émergente, espérons que dans un avenir pas si lointain, vous pourrez consulter votre médecin de famille pour obtenir une analyse du microbiome, comme on le fait déjà pour les analyses sanguines. Dans le cas du microbiome intestinal, nous pourrions analyser les matières fécales, tandis que pour le microbiome vaginal, nous pourrions procéder à un écouvillonnage vaginal, et pour les voies respiratoires, à un prélèvement d’expectoration. Avec l’aide de l’intelligence artificielle, nous pourrons recourir à la médecine de précision pour indiquer à chaque personne les caractéristiques optimales de son microbiome.

En nous projetant encore plus loin, la recherche nous aidera à déterminer les métabolites utiles sécrétés par les microbes, et nous pourrons ainsi les exploiter pour traiter directement les patients. Par exemple, nous savons que le butyrate est un acide gras fabriqué par les bactéries qui favorise la santé intestinale, et il pourrait servir à traiter directement les patients.

Cela dit, nous pouvons améliorer la santé de notre microbiome dès maintenant, par exemple, en adoptant une alimentation riche en plantes et en réduisant notre consommation d’aliments transformés. Pour les bébés nés par césarienne, de nombreuses sages-femmes prélèvent déjà les sécrétions vaginales de la mère pour les appliquer sur le bébé afin d’ensemencer le microbiome avec des bactéries utiles. Nous savons que cette pratique contribue à protéger les bébés contre les allergies, l’asthme et d’autres affections inflammatoires plus tard au cours de leur vie. L’allaitement maternel favorise également le transfert des bactéries saines de la mère au bébé, réduisant ainsi le risque d’asthme.

Il est clair que la recherche sur le microbiome transforme des vies, et c’est exactement pourquoi les IRSC investissent dans ce domaine. La médecine occidentale est souvent axée sur le traitement des maladies, mais la recherche sur le microbiome nous rappelle que nos choix quotidiens, aussi petits soient-ils, peuvent avoir une grande incidence sur la prévention des maladies et la santé à long terme.

Pour en savoir plus, consultez le site Web de l'Institut des maladies infectieuses et immunitaires des IRSC.

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